OÙ
J’AI LAISSÉ MON ÂME
D’après
le texte de Jérôme Ferrari | Éditions Actes Sud, 2010
Adaptation, mise en scène et Interprétation François Duval
Création lumière Luc Degassart
Création son Jordan Allard
Production
Compagnie Fortune Carrée
Coproduction
Théâtre des Quatre Saisons (Gradignan),
Gallia Théâtre / Scène conventionnée de
Saintes,
Scène Nationale Bayonne-Sud Aquitain,
L’Office Artistique de la Région
Aquitaine,
AGHJA / Scène conventionnée d’Ajaccio
avec la participation artistique de
l’ENSATT
Remerciements à l’Académie Chaptal
Création à l'AGHJA d'Ajaccio les 18 et
19 mai 2012
« Je me souviens de vous, mon
capitaine, je m’en souviens très bien, et je revois encore distinctement la
nuit de désarroi et d’abandon tomber sur vos yeux quand je vous ai appris qu’il
s’était pendu.. » Ainsi débute le monologue intérieur du lieutenant Andréani
qui, plusieurs décennies après l’horreur des guerres d’Indochine et d’Algérie,
interpelle le capitaine Degorce, son supérieur hiérarchique longtemps admiré et
même aimé. Mais aujourd’hui, les mots laissent entendre autre chose : une
sincère et authentique, vulnérabilité du lieutenant face à un amour trahi, une
loyauté bafouée. »
TEASER AUDIO
Dossier
et entretien réalisés par Emmanuelle Delprat
Note d’intention
Plateau
nu. Une ombre apparaît dans la lumière. Car c’est bien ce qu’il est devenu
aujourd’hui, une ombre. Seul, sa cantine sur le dos, incroyablement lourde de
cette vie passée et indélébile, le soldat interpelle son capitaine, son frère
d’arme :
« Je
me souviens de vous, mon capitaine, je m'en souviens très bien, et je revois
encore distinctement la nuit de désarroi et d'abandon tomber sur vos yeux quand
je vous ai appris qu'il s'était pendu. »
C’est
une voix d’outre tombe qui parle. Ce sont les mots d’un ancien lieutenant qui
peu à peu laissent entrapercevoir un patriotisme exacerbé, un nationalisme
outré. Horreur. Détestation. Pourtant, sa loyauté, sa douceur et son amour pour
le capitaine Degorce le rapprochent d’une humanité définitivement enfouie sous
les décombres et les ruines de la guerre.
À
Diên Biên Phu, il a appris à faire la guerre aux côtés du capitaine, cet homme
dont il admirait encore la loyauté contagieuse et grisante. Mais « les hommes
ne valent pas grand chose ». Le pathétique de ce capitaine cherchant
désespérément l’irrecevable rédemption, quelques années plus tard dans les yeux
d’un terroriste algérien capturé, le dégoûte. Après tout, il l’avait accepté,
lui ! Devenir un bourreau. Il avait changé pour toujours. Il le savait bien. La
mort des hommes qu’il fallait venger par la gégène ou la corvée de bois était à
tout jamais inscrite au plus profond de son âme. Soulager son âme est
impossible, le lieutenant Horace Andreani l’a compris. Son âme, il l’a laissée
loin derrière lui. Mais son capitaine, lui, il n’avait pas le droit de
l’abandonner. Qui était-il pour décider de rompre les liens qui les unissaient
jusqu’à la mort ? Pourquoi croire encore à d’abstraites valeurs et d’illusoires
principes : le respect du drapeau, l’honneur de la nation! La réalité est toute
autre.
Rien
ne peut plus séparer ces deux hommes, ni le temps qui passe ni même les songes.
Andreani l’emmène avec lui, dans l’infernale réalité : là où « rien n’est
enfoui ». Il a tout emporté avec lui, les vivants et les morts. Rage furieuse
et fragilité humaine du personnage. Sincère et authentique vulnérabilité d’un
amour trahi et d’une loyauté bafouée. François Duval fait entendre cette langue
qui souffle et souffre. Il incarne cet anti-héros prisonnier de son amour et de
sa colère vengeresse et mortifère.
Entretien avec François Duval
Le spectacle que vous allez créer le 18 mai à l’AGJHA d’Ajaccio
est une adaptation du roman de Jérôme Ferrari, Où j’ai laissé mon âme, édité chez Actes Sud en 2010 et
distingué par le Prix du roman France Télévisions, le Grand Prix Poncetton de
la Société des gens de lettres. Tout d’abord, pourquoi avez-vous choisi ce
texte? Comment la rencontre s’est-elle opérée ?
En
2010, j’ai repris Pierre, pour mémoire dans la chapelle du Méjan, à
Arles. C’était le premier texte qu’avait publié Hubert Nyssen, son premier
geste d’éditeur à la création des Éditions Actes Sud en 1978. C’était la
dernière de Pierre, pour mémoire et j’avais décidé que cette
représentation serait la dernière de la Compagnie Fortune Carrée. Avant de
repartir, Françoise Nyssen a glissé une dizaine de livres dans mon sac et m’a
conseillé de lire en premier le texte de Jérôme Ferrari. Cela m’a d’abord
intrigué. Je me rappellerai longtemps le soir où j’ai repris le train, il y
avait un orage impressionnant. Installé dans le wagon, j’ai commencé à lire le
premier monologue et ce que j’ai lu, me bouleversait, me choquait : il fallait
le relire, un peu plus tard, au calme, chez moi.
J’étais
saisi par l’écriture et la pureté du style. Encore aujourd’hui, lorsque je
retravaille le texte je m’en aperçois. Chaque mot a sa place. Un peu comme dans
une partition de musique. Si on oublie un mot ou qu’on le déplace dans la
phrase, tout change, le sens, la couleur et le rythme.
Point
de manichéisme dans la façon dont l’auteur aborde la guerre d’Algérie. Je donne
à voir le point de vue du bourreau, ce point de vue qui est d’habitude rarement
évoqué. On sort du schéma du bien et du mal. On est choqué, bouleversé, mais on
ne peut pas trancher pour autant. On ne peut d’ailleurs pas parler de la guerre
d’Algérie d’une manière aussi duelle. Qu’aurions-nous fait ? Lorsqu’on arrive à
dix-neuf ans dans le pays de ceux que l’on appelait à l’époque trop communément
les “bougnouls”, lorsqu’on voit les corps mutilés d’innocents villageois ou ses
amis émasculés, l’envie de se venger ne gagne-t-elle pas ? Cinquante ans après,
c’est facile de dire qu’on n’aurait jamais torturé! Comment réagir ? Peut-on le
savoir ?
Même
si bien évidemment il est tout à l’opposé de mes idées politiques, je partage
certaines valeurs qu’Andreani défend : sa loyauté, son refus de la posture.
Le roman alterne entre deux formes de récit : le monologue du
lieutenant, Horace Andreani, et le récit omniscient centré autour du capitaine
André Degorce. Pourquoi avez-vous choisi le point de vue du lieutenant, ce
personnage finalement assez paradoxal ? Double d’abord par son engagement
patriotique totalement exacerbé, mais par l’amour qui le lie éternellement au
capitaine...
Il y
a quelque chose de fulgurant, de radical chez ce personnage du lieutenant. Il
est paradoxalement le prisonnier de sa force et de sa douceur, de son amour et
de sa haine. Si le capitaine est piégé par sa conscience religieuse, ses états
d’âme, je pense qu’Andreani est piégé par l’amour et l’admiration qu’il voue à
son capitaine.
Quarante
ans après, Andreani révèle à Degorce que le prisonnier dont le capitaine
espérait recevoir la rédemption et voir dans ses yeux le pardon, avait voulu
dire un mot
avant qu’on ne le pende. Tahar aurait
pu dire quelque chose qui aurait apaisé le capitaine. Mais le lieutenant ne l’a
pas permis. Je me suis rendu compte qu’à la fin du spectacle, la cantine que le
lieutenant portait au début du spectacle sur l’épaule devenait de plus en plus
lourde, comme si elle contenait tout : sa vie, sa mort, son histoire. Quand il
se place pour la dernière fois au centre de la scène, il traîne cette énorme
cantine. Il me semble que le mouvement est juste. Le monologue ne le libère
pas. Il est comme enfermé à tout jamais.
L’acteur
vient alors défendre le personnage, au sens non pas du partage d’idées, mais au
sens où il l’incarne sur scène. Il est entendu. On peut le comprendre, sans
pour autant l’excuser. On découvre son engagement absolu et son profond
désespoir. Il y a même quelque chose de lyrique chez ce personnage qui admire «
la beauté inutile du sacrifice » des guerriers de Diên Biên Phu. Il n’a plus
que ça. Le seul homme qui l’a aimé est mort. Le personnage du petit séminariste
révèle une autre facette de cet ancien guerrier. Il a été admiré par ce jeune
homme qui l’a suivi partout par loyauté, au-delà de sa propre foi.
Le phrasé, cette cadence rythmée ou au contraire plus large par
intermittence qui sont propres au texte prennent chair. Cela était-il important
pour vous de faire entendre le texte dans sa plus pure matérialité ?
Je
pense que tout ce qui est à l’intérieur du texte ne se délivrera qu’avec de la
patience, c’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour Le Cul de Judas. J’ai
eu besoin de temps. Il faut être disponible et le texte vous livre son sens
profond et la façon de le respirer. Tout est là, en puissance. Je comparerai ce
travail à celui du musicien soliste, du pianiste par exemple, qui retravaille
une partition, seul et pendant des mois. Parfois, plusieurs années plus tard,
lorsqu’il reprend la partition, un autre sens apparaît, souterrain. Sa vie et
sa perception ont changé. Sans aucune espèce de volonté, elles viennent colorer
la partition différemment. Pour l’acteur, il faut que chaque mot de la
partition fasse sens.
Le plateau reste quasi-nu. Pourquoi avez-vous tenu à ce qu’il
reste presque aussi rude et aride que le personnage qui l’habite ?
Il
s’agit d’un no man’s land où la terre n’existe même plus, où la lumière
est froide. C’est notamment le cas pour le début et la fin du spectacle. Une
lumière comme celle des réverbères des grandes villes, comme si Andreani
arrivait dans un lieu désert. Le son que nous entendons est celui des réminiscences
d’Andreani. Ils sont tordus, retravaillés comme dans la tête du personnage.
Après L’Oiseau n’a
plus d’ailes, Pierre, pour mémoire et Le Cul de Judas, vous
vous attaquez à nouveau ici à un texte fort et dérangeant. Qu’est-ce que cela
dit de votre conception du théâtre ?
Outre
la révolte, la protestation, ces textes sont porteurs d’une pensée, d’une
humanité. C’est en lisant un article de Simone de Beauvoir que j’ai eu envie de
découvrir les lettres de Schwiefert : « C’est plus fort que Camus quand il
avait vingt ans ». Il se trouve que ce sont des textes qui ont un dénominateur
commun : la guerre. On ne peut pas refuser des textes de cette épaisseur sous
prétexte qu’ils sont noirs ou lourds. Ils nous bouleversent, nous changent. Ils
font avancer.
En cela,
la démarche de l’acteur devient aussi celle de l’homme. La façon d’ailleurs
dont j’aborde ces textes est toute personnelle. C’est une façon de vivre. Il y
a quelque temps, on m’a demandé pourquoi je montais Où j’ai laissé mon âme.
Pourquoi ? J’aimerais bien le savoir moi-même car même si je m’applique à être
au plus près de ce que je ressens, il y a forcément quelque chose qui
m’échappe. Peut-être est-ce là une façon de protester.
Jérôme
Ferrari, auteur
Né à
Paris en 1968, agrégé de philosophie, Jérôme Ferrari a commencé sa carrière
d’écrivain en 2001 avec un recueil de nouvelles, Variété de la mort, suivi d’un
premier roman Alep zéro. Puis il publie chez Actes Sud Dans le secret, Balco
Atlantico, Un Dieu un animal. Où j’ai laissé mon âme, publié en 2010, a été
couronné par le Prix du roman France Télévisions 2010 et le prix de la Société
des Gens de Lettres. Il a obtenu le Prix Goncourt 2012 pour son livre Le
Sermon sur la chute de Rome.
François
Duval & la Compagnie Fortune Carrée
François
Duval intègre le Conservatoire d’art dramatique de Paris et devient l’élève de
Marcel Bluwal. Il multiplie les rôles au travers de nombreuses collaborations
artistiques. On a pu le voir notamment dans Les Parents terribles de
Cocteau, Six personnages en quête d’auteur de Pirandello, Les
Sorcières de Salem de Miller, Les Exilés de Joyce, Volpone de
Jules Romains, Lorenzaccio de Musset, Fool for love de Sam
Shepard, dans Angelo, tyran de Padoue de Hugo!
En
1993, il crée la Compagnie Fortune Carrée, du nom de cette toute petite voile
que l’on hissait sur les bateaux pour sortir de la tempête qui malmenait les
grands mâts. L’oiseau n’a plus d’ailes est le premier spectacle qu’il
joue et met en scène à partir des lettres de Peter Schiewert. L’élan que
connaissent les représentations parisiennes et avignonnaises à l’Escalier des
Doms dans le cadre du Off lui permet de monter une tournée jusqu’en juin 1996.
Peu de temps après, il adapte les notes de service de l’immense chef de troupe
Jean Vilar dans Vilar : notes de service, joué très symboliquement au
théâtre de Suresnes, puis au Théâtre national de Chaillot. En 1998, il crée Pierre,
pour mémoire d’après le roman d’Anne-Marie Roy qu’il joue dans le Off et au
Théâtre de la Ville. Son goût pour des textes forts le pousse vers Le
Dernier jour d’un condamné de Hugo en 2002, spectacle choisi par l’Académie
de Lille comme acte artistique d’ouverture au bicentenaire de la naissance de
l’écrivain. De retour à Avignon en 2005, il crée dans la salle du Petit Chien Le
Cul de Judas dont l’adaptation à partir du roman d’António Lobo Antunes
sort un an plus tard dans la collection “Titres” des Éditions Christian
Bourgois, après le nouveau succès d’Avignon une deuxième année en 2006. Ce
spectacle a été repris à Paris, au Théâtre Marigny ainsi qu’à la Maison de la
Poésie, et a fait l'objet d'une captation par France Télévisions, pour France
Ô. Parallèlement à la vie de sa compagnie, François Duval signe la mise en
scène de la lecture-spectacle du Bartleby de Melville donnée par Daniel
Pennac. Depuis octobre 2010, il travaille à la mise en scène du roman de Jérôme
Ferrari, Où j'ai laissé mon âme, dont il signe l'adaptation, la mise en
scène et l'interprétation.
Revue de presse
du Cul de Judas
«
François Duval incarne avec pudeur et virtuosité ce récit sur le fil d’un
humour toujours tangent à la mort. Pour Rodrigo Garcia, pour Lobo Antunes on a
envie d’inventer un mot : “mélancolironie” [...] »
Jean-Marc
Stricker | France Inter
«
[...] Monologue sobre de 1h30 dont les silences disent autant que les paroles.
»
Willem
| Chroniques dessinées du 23 et 24 juillet 2005 | Libération
«
Quand la réalité dépasse la fiction : on ressort du spectacle (mais en est-ce
vraiment un ? le mot parait ici presqu'obscène) hébété, honteux. [...] François
Duval s'est accaparé le récit à pleine chair et défend cette confession humble,
anéantie, avec une douloureuse élégance. »
Jean-Louis
Chasles | La Marseillaise
«
Enveloppé dans une lumière d’un exceptionnel raffinement, l’acteur donne à
ressentir la terreur moite qui règne sur le bourbier. Comme il traduit peu à
peu l’insondable désespoir tapi derrière un cynisme ostentatoire. Le Cul de
Judas combine la découverte d’un auteur, la cohérence d’une démarche et la
qualité d’un interprète. »
Michel
Flandrin | France Bleu Vaucluse
Revue de presse
de Pierre, pour mémoire
«
L’art indicible de François Duval, acteur sensible à la douleur. La douleur, et
la rémission de la douleur, que joue François Duval, ou qui selon Marguerite Duras,
jouent en François Duval, sans nous être jetées au visage, sont autant plus «
magnétiques » qu’elle sont tout à coup brisées par une crise, d’une violence
inouïe, plus prolongée, plus sauvage, et plus “dégesticulée” si l’on peut dire,
que la crise d’épilepsie, qui électrise l’acteur, qui l’envoie bouler aux
quatre coins de la scène, comme s’il s’échappait en folie tout ce que François
Duval, jusqu’à ce moment a modéré, assourdi. Un texte et un jeu d’une très
grande beauté. Et qui ne cesse pas lorsque c’est fini. »
Michel
Cournot | Le Monde
«
François Duval lui prête la poésie, la stupeur d’un héros blessé, d’un preux
qui aurait traversé en boitillant des pays peuplés de monstres. On ne le plaint
pas, on l’admire. »
Frédéric
Ferney | Le Figaro
« Le
spectacle (puisqu’il s’agit bien de théâtre, de jeu, d’interprétation) est
d’une admirable force, d’une pudeur totale, d’une éblouissante justesse.
François Duval, de toutes ses fibres, de tout son corps – et il y a comme une
chorégraphie spirituelle dans cette proposition – de toute son âme a-t-on envie
de dire, se livre comme Pierre se livra à sa sœur, se délivra de tant de
souvenirs... Mais jamais ne s’efface la souffrance. Pierre le savait, comme sa
sœur, comme François Duval le sait et nous le dit. »
Armelle
Héliot | Le Quotidien du Médecin
Diffusion
2012-2014
OÙ J’AI LAISSÉ MON ÂME
Tournée
du spectacle 12-13
AGHJA
– Scène conventionnée d’Ajaccio
Festival d’Avignon Off -Théâtre du
Petit Louvre
Théâtre des Quatre Saisons - Gradignan
Le Gallia théâtre, Scène conventionnée
de Saintes
Théâtre des Pipots - Boulogne sur Mer
Auditorium Michel Petrucciani -
Montélimar
Scène Nationale Bayonne sud Aquitain -
Bayonne
Les Chantiers-Théâtre de Blaye et de
l’Estuaire
Tournée
du spectacle 2014
La Courée, Collégien (77)
Espace Capellia, La Chapelle sur Erdre
(44)
Centre Culturel, Morsang-sur-Orge (91)
Théâtre de Thouars (79)
La Canopée, Ruffec (16)
.
| Compagnie Fortune Carrée |
Association loi 1901
N° Siret : 400 549 150 00037 Code APE :
9001Z
35 rue Pierre Nicole 75005 Paris
|
Actuellement
tout en continuant à diffuser Où j'ai laissé mon âme, François
Duval recrée Vilar: Notes de service spectacle qu'il avait mis en scène
en 1996 au Théâtre de Suresnes Jean Vilar, puis repris au Théâtre National de
Chaillot l'année suivante.
REVUE
DE PRESSE
OÙ J’AI LAISSÉ MON ÂME
12 juillet 2012, Scèneweb.fr
Les atrocités de la guerre d’Algérie révélées par Où
j’ai laissé mon âme
© Frédéric Desmesure
Les horreurs de la
guerre sont au coeur de l’oeuvre de Jérôme Ferrari parue en 2010 aux Editions
Actes Sud. François Duval en a fait une adaptation poignante. Il incarne le
lieutenant du roman, Andréani, un corse, engagé avec son Capitaine dans le
conflit en Indochine. Les deux hommes sont faits prisonniers par les Viet
Mihns. Ils sont affamés, brutalisés. Des liens naissent entre les deux hommes.
Mais un peu plus tars en Algérie, les rôles s’inversent. Ils deviennent à leur
tour les bourreaux et torturent les algériens. Andréani ne s’en remettra pas. «
J’ai trahi la République et je me sens loyal », dit le lieutenant.
François Duval a
choisi de faire parler le lieutenant. Il s’adresse à son capitaine. Il souhaite
absoudre ses pêchés, faire sortir tout le mal qu’il porte en lui. Andréani a
torturé Tahar, chef de l’ALN. Le corps de l’Algérien le hante. Sur une toile de
tente de l’armée posée au sol, François Duval évolue autour d’une malle en
acier. C’est simple et digne. Sa voix
chaude fait ressortir toute la force du texte. Et à Avignon, dans la chapelle
du petit Louvre, le spectacle prend tout son sens. « Tout s’oublie si vite, mon
Capitaine », dit Andréani. Où j’ai laissé mon âme est un spectacle pour ne pas
oublier.
Stéphane
Capron
13 juillet 2012, LeMonde.fr Blog
de Judith Sibony
La guerre vue du cœur (Avignon off)
Puisqu’on fête
actuellement les cent ans de Jean Vilar, fondateur du festival d’Avignon et
grand rénovateur du Théâtre National Populaire (TNP), c’est aussi l’heure de se
demander ce qui reste de son héritage dans le théâtre d’aujourd’hui.
Esthétiquement, le style Vilar est aisé à définir : c’est un art du
dépouillement, comme il le revendiquait lui-même. « Il s’agit de simplifier, de
dépouiller. Il ne s’agit pas d’exploiter l’espace mais de mépriser cet espace
ou de l’ignorer. Il n’est pas nécessaire pour une réalisation suggestive qu’une
scène dite de mouvement par exemple, soit en mouvements, avec entrechat, boxe,
bagarre ou poursuites plus ou moins réalistes. Il suffit d’un ou deux gestes,
un rien et du texte, d’un texte vrai et beau. Et le reste passe », écrivait le
metteur en scène dans De la tradition Théâtrale
(1955).
Ce privilège accordé
au texte sur les décors ou sur tout autre ornement, Vilar l’a mis en pratique
dans des lieux immenses : à commencer par la scène de Chaillot, où siégeait
alors le TNP, et dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes, au Festival
d’Avignon. Aujourd’hui il est rare, du moins dans ces vastes espaces, qu’on ose
cette audace formelle : se fier d’abord au
texte et au jeu de
l’acteur. Et pourtant, les héritiers de Vilar existent et s’obstinent à
prolonger son geste. Il faut parfois aller les chercher jusque dans les petites
salles de France ou d’Avignon, voilà tout. Ainsi, au Petit Louvre (à cinq
minutes du Palais des Papes), l’acteur et metteur en scène François Duval nous
plonge dans les guerres d’Indochine et d’Algérie en ne faisant pas plus de cinq
pas sur un plateau nu, et avec pour tout accessoire une cantine de soldat. Rien
qu’en prêtant sa voix et sa présence au beau texte de Jérôme Ferrari, Où j’ai laissé
mon âme (Actes Sud 2010), il ressuscite la boue, le sang, la torture et la
faim.
Dans ce long soliloque où un sergent
s’adresse à son capitaine, on découvre que guerre
peut être une affaire d’amour. D’un amour ambivalent, compliqué, mais incroyablement
fort. « Comment vous aurais-je oublié, mon capitaine, moi qui vous aimais tant,
moi qui vous aimais plus encore que je ne vous méprise aujourd’hui, et je vous
méprise pourtant au point de vous avouer sans honte combien je vous aimais ».
Cette phrase est la clé de voûte de la confession du soldat, qui dit avoir aimé
son capitaine « comme un frère ». Mais on le sent peu à peu : la fraternité
d’armes engendre un amour absolument singulier,
radicalement différent des liens familiaux.
Dans les souvenirs de
guerre du narrateur, tout est marqué, plus ou moins clairement, par des récits
amoureux : au début du spectacle, il évoque la mort d’un « terroriste »
algérien, dont on
comprend qu’il l’a
fait pendre d’autant plus volontiers que son capitaine s’était « entiché » de lui.
Un peu plus loin, il précise que le capitaine a rebaptisé les positions
militaires du front indochinois en utilisant les noms de ses anciennes
maîtresses. Plus tard, après la bataille, les soldats se retrouvent dans un bar
de Hanoï, avec des filles de joie, et tandis que le capitaine, privé de désir,
se met en retrait, le narrateur se félicite de rompre un instant son
attachement presque irrationnel envers son supérieur : « j’ai cessé de penser à
vous, mon capitaine, j’ai serré la fille contre moi »… Enfin pour lui, les
soldats de son unité se définissaient ainsi : « ceux qui venaient mourir avec
vous ». L’âme d’un soldat est un coeur étrangement tendre, apprend-on au fil du
soliloque. Par la magie pure (et toute simple) du théâtre, on dirait bien que
François Duval, qui a adapté et interprète sur scène le texte de Jérôme
Ferrari, les a vécues, ces guerres dont il parle. Mais les dates, bien sûr, ne
coïncident pas. En revanche, en regardant sa biographie, on constate qu’il a
créé un jour, à Chaillot, un spectacle autour des « notes de services » que
Jean Vilar écrivait à la troupe du TNP. Entre frères d’art, leurs esthétiques,
tout naturellement, se rejoignent. Judith Sibony
18
juillet 2012, L’Humanité
18 juillet 2012, La Marseillaise
20 juillet 2012, Marianne2.fr
Blog Jack Dion
Confession d’un enfant du siècle de la gégène
Dans le cadre du
festival Off d’Avignon, François Duval met en scène et interprète « Où j’ai
laissé mon âme », soliloque d’un ancien tortionnaire qui a fait un voyage au
bout de l’horreur. On retrouve l’horreur avec un autre spectacle du In, «
Disgrâce » mis en scène par le hongrois Kornel Mundruczo, à partir du roman de
l’écrivain sud africain J.M. Coetzee. C’est
un homme qui a tout pour déplaire. Il s’appelle Horace Andreani, lieutenant de
son état militaire, ancien de l’Indochine, dévolu au « sale boulot » pendant la
guerre d’Algérie, autrement dit à la «
chasse au renseignement ». Pas besoin de faire un dessin. Le lieutenant a pratiqué
la torture, sans état d’âme, car il n’est pas du genre à en avoir.
Pour lui, le monde se
divise en deux : eux et nous, les autres et les « nôtres », les ennemis et les
frères de combat, dont son supérieur, le capitaine André Degorce : il l’a connu
à Diên Biên Phu, ne l’a jamais quitté, éprouve pour lui une forme de haine
amoureuse. Tel est la trame du roman de Jérôme Ferrari « Où j’ai laissé mon âme
», mis en scène et interprété par François Duval dans le festival Off
d’Avignon.
Pendant tout le
spectacle, le lieutenant Horace, alias François Duval, est seul en scène, assis
sur une cantine qu’il a trainé au beau milieu de la scène. Parfois, il se lève,
fait quelques pas, puis se rassoit et
reprend son récit de contre héros parfait. Il raconte une expérience hors du commun,
l’engrenage de la guerre qui peut transformer un homme en animal, prêt à tout
parce
qu’il n’y a pas moyen
de faire autrement. Il le fait en s’adressant à son capitaine, André Degorce,
son antithèse affichée, le gradé aux mains propres et à l’âme pure, celui qui
met ses gants et envoie ses subordonnés au front de l’immonde, là où il faut
plonger dans la fange tête
la première.
Degorce et Andreani,
ce sont les deux faces d’une même médaille, avec celle qui est présentable et
celle qui ne l’est pas. Manque de pot pour le lieutenant, le sort a voulu qu’il
tombât sur le mauvais côté, et il ne s’en remettra jamais. Il n’est même pas
sûr qu’il en ait conscience. Pris dans l’engrenage, il a fait ce qu’il a cru
devoir faire, uniquement perturbé par
les états d’âme de
son supérieur. Aussi n’a-t-il jamais compris pourquoi le capitaine avait fait rendre
les hommages militaires à Tahar Hadj Nacer, chef rebelle, après son
arrestation, alors que pour le lieutenant, ce dernier symbolisait l’ennemi à
abattre. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait
en le pendant avant
de maquiller le geste en suicide. A la guerre comme à la guerre.
Avec sa gueule à la
Philippe Léotard, François Duval est impressionnant de maîtrise dans cette
confession d’un enfant du siècle de la gégène. Il donne à voir un homme brisé,
anéanti, seul, parce que nul ne peut
assumer impunément un tel passé et que la pulsion de mort assumée ne peut
déboucher que sur le néant. En digne héritier de Jean Vilar, François Duval signe
là un spectacle en forme de coup de poing.
…..
Jack Dion
*« Où j’ai laissé mon âme », d’après le texte de Jérôme Ferrari
(Actes sud), adaptation, mise en scène et interprétation François Duval,
festival Off d’Avignon, Petit Louvre jusqu’au 28 juillet
Le 27 juillet 2012, Le Bruit du Off
LE TOP DES SPECTACLES 2012
NOTRE “TOP TEN” DES SPECTACLES D’AVIGNON 2012
L’exercice
qui consiste chaque année à établir notre “TOP TEN” des spectacles est toujours
un moment difficile pour la rédaction, fait d’enthousiasmes et de renoncements…
C’est également un exercice cruel à l’endroit de tous ces spectacles qui ne
figureront pas dans notre liste, forcément, alors qu’ils n’ont pas démérité.
Nous avons donc extrait dix ”pépites”, en voici la liste définitive en ce 27
juillet 2012.
Dans le Off 2012 :
Ziggy
Stardust à
la Manufacture,
Je
deviens Jimi Hendrix à la
Manufacture,
Italie-Brésil
3 à 2 toujours à La
Manufacture,
HHhH
à
l’Entrepôt,
Piscine
(pas d’eau) à
L’Entrepôt,
Invisibles
au
Chêne Noir,
Bonheur
titre provisoire aux Halles,
Ma
Marseillaise aux
Halles,
Sainte
dans l’Incendie aux
Halles,
Explication
des Oiseaux à la Fabrik,
Quoi
dire de plus du coq à la Fabrik,
Philippe
Caubère ”Marsiho” aux Carmes,
L’Asticot de Shakespeare aux
Carmes,
Où
j’ai laissé mon âme au Petit Louvre,
Les
Oranges au Petit
Louvre,
Et
des poussières… aux Hivernales…
M.R. avec l’ensemble
de la rédaction